À propos de Voyage en misarchie, un roman-essai d’Emmanuel Dockès

J’asseyerais bien le pouvoir sur mes genoux pour l’insulter.
Serait-ce suffisant ?
Non.
Il faudrait détruire le pouvoir.
La première étape nécessaire ?
Disposer du pouvoir sur soi et comprendre l’horreur de tout autre pouvoir que celui qu’on exerce sur soi pour ne pas imposer à quiconque le pouvoir qu’on pourrait avoir sur ce quiconque.
Le pouvoir sur l’autre est destructeur.
Le pouvoir sur l’autre est haïssable.
On ne peut éviter de vouloir le prendre ce pouvoir sur l’autre.
Il faut donc s’éduquer à ce que le pouvoir sur un autre devienne l’indésirable par excellence.
On pourrait appeler cela :
La civilisation de la culture.
Je ne suis ni capitaliste, ni communiste, ni socialiste, ni… Oh ! Comme c’est étrange, il n’y a pas vraiment de termes qui recouvre l’inverse de l’idéologie communiste ou socialiste.
La droite, c’est trop flou.
Le capitalisme, c’est réducteur.
Le fascisme, le nazisme, le dictateurisme, le despotisme éclairé, la démocratie chrétienne, le centrisme, etc. Ne recoupent qu’en partie la notion de communisme ou de socialisme.
Suis-je anarchiste ?
Pas plus.
Écologiste ?
Oui, pas par choix cependant. L’écologie relève de la simple nécessité dans le processus de la survie de l’espèce et du vivant sur Terre plus que de l’idéologie pure.
Ah ! Asseoir toutes les formes de pouvoir sur mes genoux et les insulter.
Peut-être le seul pouvoir autre que sur moi-même susceptible de m’intéresser serait celui de rendre ces autres pouvoirs ridicules aux yeux de la grande majorité des êtres humains.
J’appellerais cela un progrès.
Un grand progrès.
Je suis contre le pouvoir et pour l’organisation mouvante, évolutive, adaptative de nos vivre-ensemble.
Quelque chose de cet ordre.
En résumé :
Je déteste toutes les formes de pouvoir s’exerçant sur autre que soi.
Je serais donc MISARCHISTE.
Il ne s’agit rien d’inné.
La misarchie, ça s’apprend, ça se construit.
Ça demande un grand effort d’éducation et un brin de clairvoyance quant à nos intérêts les plus fondamentaux.
Or, l’être humain est une machine à désirs déréglés, difficile à contenir dans ses excès.
Peine perdue donc.
Asseoir le pouvoir sur ses genoux pour l’insulter est une formule creuse.
Je hais le pouvoir, je suis donc misarchiste et donc, encore, utopiste.
Je suis aussi un être humain.
Un être humain vieillissant.
Pour comprendre jusque dans ma chair ce que le pouvoir a de haïssable, il m’aura fallu tout ce temps et un livre, celui d’un certain Emmanuel Dockès et titré Voyage en misarchie.
Notons ceci : le livre en question souffre d’un point aveugle. Il fait l’impasse sur l’écologie. Qu’importe, il m’a permis de synthétiser des années de réflexions, sinon d’incompréhension face à notre bêtise collective.
Pour que la misarchie et ce qu’elle implique ne soient pas qu’une simple idée, il m’aura fallu tout ce temps, toutes ces années, des heures à me passer et repasser le problème dans mon honorable esprit, avec mon intelligence, avec tout mon être, la moindre cellule de mon corps.
On ne naît pas être humain, on le devient. Être humain est peut-être bien la capacité de dompter cet appel qu’exerce sur nous le pouvoir. De le dompter et de le rendre inoffensif.
Et d’élaborer un système de société permettant la réalisation de la misarchie.
Après quoi, on peut se consacrer à l’amour si le cœur nous en dit.
Ou à n’importe quoi de moins stupide que d’étancher notre soif désirante sinon délirante de pouvoir.
Je dis n’importe quoi.
Je suis un imbécile.
Je suis le parangon de la naïveté.
Je suis atterré face à la violence que nous exerçons les uns sur les autres.
Et pourtant, j’ai raison.
Ne pas céder à la tentation de prendre le pouvoir sur autrui est le plus bel accomplissement de l’être.
C’est le renoncement premier pour s’ouvrir à des multitudes de possibles que nous nous refusons à vivre, sans doute par une cruelle atrophie de notre imagination.
Bref,
Je laisse le pouvoir et sa conquête aux abrutis incapables d’aspirer à tout autre accomplissement dans leur vie !