Quand la laideur a remplacé la beauté,
Reste l’infini de la tristesse.

Quand aux rosiers ne viennent plus de roses,
Reste le suave souvenir de leurs senteurs.

Quand le vulgaire a retiré du monde sa poésie,
Reste le brouhaha endiablé des bouches serviles.

Quand la mort l’emporte sur l’imaginaire de la vie,
Reste la stérile errance de l’esprit aride.

Quand de nos pieds à fouler le jardin succède le désert,
Reste le crissement du sable sous la dent.

Quand prairies et forêts sont vidés de leurs animaux,
Reste à y vivre sur ses deux jambes le pire d’entre eux.

Quand la bêtise assassine le meilleur en nous,
Reste la réjouissante perspective d’une victoire éphémère.

Quand l’orbe entier aura été consommé et consumé,
Restera l’inutile terre pulvérulente d’une abondance factice.

Quand nous paierons le prix noir de nos crimes,
Restera aux survivants le trop tard amer du regret.

Quand enfin nous aurons noyé la lumière dans l’obscurité,
Quand enfin les océans s’étendront en boues empoisonnées,
Quand enfin sera achevée la décréation du monde,
Quand enfin les os des mort triompheront de la chair du vivant,
Les quelques-uns à encore respirer, pourront-ils affirmer cœur battu mais fier :
Grâce à nos mains et nos machines, tout est accompli !
Et d’en conclure ainsi :
Ceci est le bien ultime !

Alors tout aura été dit et écrit et détruit.
Alors le temps et le vent disperseront jusqu’au souvenir de ce que nous aurons été, poussières…