PARCE QUE J’AI BEAUCOUP INVESTI DEDANS,

j’espère que la fin du monde sera rentable, concurrentielle et compétitive.
J’espère aussi qu’elle sera source de profits et de croissance.

Mardi 11 octobre 2022 • Vrac

VIVONS-NOUS DANS UN MONDE GLOBALISÉ ?

Notre monde dit global n’a en fait de globalisé que le favoritisme constant donné aux intérêts privés et particuliers des grandes sociétées de commerce et des ultrariches.

Sinon, il y a longtemps que nous aurions établi un plan global d’écologie en vue de sauvegarder l’habitabilité de la Terre.

Mercredi 10 avril 2022 • Vrac

samedi 30 mars  2024 • Vrac

J’asseyerais bien le pouvoir sur mes genoux pour l’insulter.

J’asseyerais bien le pouvoir sur mes genoux pour l’insulter.

À propos de Voyage en misarchie, un roman-essai d’Emmanuel Dockès

J’asseyerais bien le pouvoir sur mes genoux pour l’insulter.
Serait-ce suffisant ?
Non.
Il faudrait détruire le pouvoir.
La première étape nécessaire ?
Disposer du pouvoir sur soi et comprendre l’horreur de tout autre pouvoir que celui qu’on exerce sur soi pour ne pas imposer à quiconque le pouvoir qu’on pourrait avoir sur ce quiconque.
Le pouvoir sur l’autre est destructeur.
Le pouvoir sur l’autre est haïssable.
On ne peut éviter de vouloir le prendre ce pouvoir sur l’autre.
Il faut donc s’éduquer à ce que le pouvoir sur un autre devienne l’indésirable par excellence.
On pourrait appeler cela :
La civilisation de la culture.
Je ne suis ni capitaliste, ni communiste, ni socialiste, ni… Oh ! Comme c’est étrange, il n’y a pas vraiment de termes qui recouvre l’inverse de l’idéologie communiste ou socialiste.
La droite, c’est trop flou.
Le capitalisme, c’est réducteur.
Le fascisme, le nazisme, le dictateurisme, le despotisme éclairé, la démocratie chrétienne, le centrisme, etc. Ne recoupent qu’en partie la notion de communisme ou de socialisme.
Suis-je anarchiste ?
Pas plus.
Écologiste ?
Oui, pas par choix cependant. L’écologie relève de la simple nécessité dans le processus de la survie de l’espèce et du vivant sur Terre plus que de l’idéologie pure.
Ah ! Asseoir toutes les formes de pouvoir sur mes genoux et les insulter.
Peut-être le seul pouvoir autre que sur moi-même susceptible de m’intéresser serait celui de rendre ces autres pouvoirs ridicules aux yeux de la grande majorité des êtres humains.
J’appellerais cela un progrès.
Un grand progrès.
Je suis contre le pouvoir et pour l’organisation mouvante, évolutive, adaptative de nos vivre-ensemble.
Quelque chose de cet ordre.
En résumé :
Je déteste toutes les formes de pouvoir s’exerçant sur autre que soi.
Je serais donc MISARCHISTE.
Il ne s’agit rien d’inné.
La misarchie, ça s’apprend, ça se construit.
Ça demande un grand effort d’éducation et un brin de clairvoyance quant à nos intérêts les plus fondamentaux.
Or, l’être humain est une machine à désirs déréglés, difficile à contenir dans ses excès.
Peine perdue donc.
Asseoir le pouvoir sur ses genoux pour l’insulter est une formule creuse.
Je hais le pouvoir, je suis donc misarchiste et donc, encore, utopiste.
Je suis aussi un être humain.
Un être humain vieillissant.
Pour comprendre jusque dans ma chair ce que le pouvoir a de haïssable, il m’aura fallu tout ce temps et un livre, celui d’un certain Emmanuel Dockès et titré Voyage en misarchie.
Notons ceci : le livre en question souffre d’un point aveugle. Il fait l’impasse sur l’écologie. Qu’importe, il m’a permis de synthétiser des années de réflexions, sinon d’incompréhension face à notre bêtise collective.
Pour que la misarchie et ce qu’elle implique ne soient pas qu’une simple idée, il m’aura fallu tout ce temps, toutes ces années, des heures à me passer et repasser le problème dans mon honorable esprit, avec mon intelligence, avec tout mon être, la moindre cellule de mon corps.
On ne naît pas être humain, on le devient. Être humain est peut-être bien la capacité de dompter cet appel qu’exerce sur nous le pouvoir. De le dompter et de le rendre inoffensif.
Et d’élaborer un système de société permettant la réalisation de la misarchie.
Après quoi, on peut se consacrer à l’amour si le cœur nous en dit.
Ou à n’importe quoi de moins stupide que d’étancher notre soif désirante sinon délirante de pouvoir.
Je dis n’importe quoi.
Je suis un imbécile.
Je suis le parangon de la naïveté.
Je suis atterré face à la violence que nous exerçons les uns sur les autres.
Et pourtant, j’ai raison.
Ne pas céder à la tentation de prendre le pouvoir sur autrui est le plus bel accomplissement de l’être.
C’est le renoncement premier pour s’ouvrir à des multitudes de possibles que nous nous refusons à vivre, sans doute par une cruelle atrophie de notre imagination.
Bref,
Je laisse le pouvoir et sa conquête aux abrutis incapables d’aspirer à tout autre accomplissement dans leur vie !

MERDE, JE N’AI MÊME PAS DE TITRE

MERDE, JE N’AI MÊME PAS DE TITRE

Pas fait pour ce monde.
Plus fait, si jamais été.
À vomir.
Bêtise politique à l’apogée.
Fin des combats.
Pas la peine.
Plus la peine.
Gaspillage d’énergie.
Autre chose à faire,
De mieux,
Vivre.
Vivre mieux.
Autrement.

Je me balade dans la tête d’un mâle politique et voici ce que je vois et entends :
— Ah ! J’ai mon petit pouvoir et je vous emmerde juste pour vous prouver que je peux, que j’en ai le pouvoir, semble dire les dirigeants de ce monde.
Ou :
— Moi je sais, alors, taisez-vous parce que c’est ça la démocratie.
Ou :
— Si vous n’êtes pas contents, je vous envoie la troupe. Vous m’en direz des nouvelles. Ce n’est pas qu’à l’âme que vous aurez des bleus, saleté de manants ! Ha ! Ha ! Ha !
Ou :
— Si ça va mal, ce n’est pas de ma faute, mais de la vôtre, de celle de mes opposants.

Plutôt que « ou », ces paroles-pensées-non-pensées se superposent, s’agglutinent, forment un tout pas très ragoutant à mon goût.

On arrête pas de le répéter : sur quelle planète ça vit, cette classe de politiciens-affairistes-lobbyïsé-lobotomisés-populo-terroristes-climaticides ?
Pas la même que la mienne, en tout cas.
Je n’en peux plus de les écouter, de les regarder, de les observer se chamailler.
Dans ma campagne de merde, j’attends la purge.
Lutter ne sert plus à rien.
Je le vois.
Je l’observe.
Ou si peu.
Les combats avortent.
Les luttes se perdent
Et celles et ceux qui luttent se rassurent de quelques victoires concernant des objectifs secondaires et après de longues et épuisantes campagnes de guérilla.
Ah ! Si on se donnait toutes et tous la main…
Ha ! Ha ! Ha !

Je vais œuvrer à créer un petit coin de paradis, puis la catastrophe le détruira, l’asséchera, le brûlera, le réduira en poussière. L’héritage que je voulais léguer à ma descendance ne sera plus.
Comme le reste.
Tout le reste.

La naïveté m’a poussé à croire qu’on plaçait sur les trônes des personnages intelligents ou, du moins, pas trop stupides et pas trop ignares.
Non, des minables, des crétins assoiffés de pouvoir et rongés par une quelconque idéologie inféconde.
Et parmi leurs opposants, ça ne vaut guère mieux.
La déraison nous gouverne.
La déraison a pris le pouvoir,
Tout le pouvoir,
Le pouvoir de destruction,
De tout détruire, saccager.
Le pouvoir de mentir sans conséquence,
Le pouvoir de briser,
Le pouvoir d’humilier,
Le pouvoir de tuer et blesser, le pouvoir de ne jamais assumer la responsabilité des décisions prises et des actes quand ça ne tourne pas comme prévu. Le pouvoir de nier la réalité et de nommer la fiction la plus fantasque « réalité ».
Le pouvoir de chérir les causes dont ils déplorent les conséquences.
À vomir.
À oublier.

Le combat est trop inégal.
Ébahi, j’assiste à la victoire de la connerie généralisée.
Et cette connerie généralisée, médiatisée urbi et orbi a mangé ma poaisie, l’a grignotée.
À ce point, il n’en reste rien.
Ou un reste que je ne retrouve pas :
La poaisie du monde
La poaisie de la beauté sur terre
La poaisie des sentiments.
La poaisie,
Merde, elle a foutu le camp.
M’a déserté.
J’ai laissé faire.
J’ai cru bien faire à vouloir lutter, dire ce qu’il y avait à dire, à alerter.
Peine perdue, c’est pisser dans un violon embarquer sur un paquebot en train de couler dans nos océans-poubelles et bientôt, comme nos intelligences, océans inféconds.
Il aurait fallu quelques Titans pour redresser la barre, nous n’avons eu et n’avons que des nains de jardin.
À ceux-ci, salutaire serait de leur arracher la tête, d’en peler la peau, de fracasser le sommet du crâne et dans le vide au-dessous, de chier dedans.
Pas de Titans.
Pas de gouvernants-philosophes.
Rien, sinon nabots barbotant dans la piscine de miel de leur autosatisfaction et du mépris olympien de tout ce qui n’est pas eux rapport au fait que, eux, ils ont raison parce qu’ils savent et nous pas !
D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit de considérer les résultats.
Mirifiques !
Fantastiques !
Hallucinants !
Tout va bien.
Tellement bien.
Les gens n’ont plus de fric pour manger,
Les gens n’ont plus de fric pour se loger,
Les gens n’ont plus de fric pour se chauffer,
Les gens n’ont plus de fric pour aller travailler,
Les gens n’ont plus de fric pour s’habiller.
Les gens qui travaillent sont payés au lance-pierre.
Et les pierres, hé bien, je vous le donne en mille, elles ne sont pas précieuses.
Une minorité de crétins décérébrés se gave.
Une majorité, presque aussi crétine et décérébrée — j’en fais partie — vivote tant bien que mal.
Plutôt mal que bien.

Allez tous vous faire foutre !

Moi aussi, tout comme vous, je suis un « gens » et ma décision est prise :
Ne plus participer.
Le moins possible.
Faire sécession.
Le plus possible.
Partir, me terrer, disparaître hors des radars, rompre,
Recréer, créer des microsociétés expérimentales.
S’inventer des amours et des chansons.
Nourrir la terre et s’en nourrir.

Allez tous vous faire foutre !

Ah ! Si j’étais dieu, ah ! si j’avais créé l’homme, la femme, j’aurais honte.
Un beau ratage.
Pas de quoi être fier.
Arrête !
Calme-toi !
Laisse pisser !
T’énerve plus !
Pas la peine.
Plus la peine.
Oui,
Ne plus m’énerver,
Me calmer,
Aller mon chemin,
Si possible,
Retrouver la poaisie,
Son émerveillement,
Sa vie, sa vigueur,
Sa saine et noble folie.
Ne serait-ce qu’un peu,
Retrouver la poaisie,
Ne serait-ce qu’un brin aussi léger qu’un brin d’herbe à valdinguer dans le vent et la tourmente qui se lève.
Une poussière d’espoir que…
Non.
La destruction de notre monde, du vivant se poursuit.
Inlassablement, ça n’aura de cesse tant que ce ne sera pas accompli, tant qu’il ne sera plus vivable (ce qui est un peu con, vous l’admettrez).
Alors,
Allez les gars et les filles, réveillez-vous !
Allez les filles et les gars, on est tous fous !
Allez les gars et les filles, réveillez-vous !
Notre mission, flinguer le monde !
Yey !
Et qu’on n’en parle plus !
Yey !
Ouais, quelque chose, comme du passé et de l’avenir en faire table rase !

Une fois qu’il est trop tard,
L’ainsi soit-il dans l’oubli de notre responsabilité.
On pourrait appeler ça, l’amensia !

En dépit des apparences, peu de fourmis, beaucoup de cigales !
Quand la fontaine de la vie sera presque tarie, nos larmes-oasis suffiront-elles à réensemencer la Terre ?

Lundi 15 mai 2023 • Poaisie

mercredi 20-22 mars 2024 • Épars

LA MARCHE DU MONDE À L’OCCIDENTALE

100-LA MARCHE DU MONDE À L’OCCIDENTAL

Dieu, dit-on, a créé le monde et la vie.
L’homme blanc la détruit.

Plus j’écoute,
Plus j’apprends,
Plus j’observe,
Plus je perçois les dysfonctionnements globaux
Et plus j’en conclus :
Faut tout bousiller !

On me rétorquera :
ce n’est pas parce qu’il y a quelques fruits pourris qu’il faut condamner l’arbre.
Mais qu’en est-il quand l’arbre lui-même est pourri et qu’il ne masque plus le pourrissement de l’entier de la forêt ?

Au-delà des apparences, la civilisation occidentale est devenue désormais un formidable processus d’autodestruction.

Peut-être la catastrophe nous permettra-t-elle de sauver ce qui reste encore à sauver.
Et peut-être encore, n’est-ce pas là un paradoxe.

mercredi 16 janvier 2024 • Fiction

Une pomme juteuse

UNE POMME JUTEUSE

“Nous avons absolument besoin d’une nouvelle approche : une approche qui voit dans la transition vers une économie verte, numérique et inclusive, une grande opportunité de création d’emplois, d’augmentation du pouvoir d’achat et, en fin de compte, de croissance économique soutenue.”

Klaus Schwaab, fondateur et président exécutif du Forum économique mondial de Davos, janvier 2024.

— Ta gueule, pauvre débile !

MARKUS EST ASSOUPI. IL RÊVE d’une bonne grosse pomme, ses dents croquant sa chair juteuse, délicieuse. Il n’y a plus de pommes depuis longtemps. Tous les pommiers ont brûlé sur pied. Y aura-t-il encore un jour des pommiers et des pommes ? Et si oui, y aura-t-il encore des humains pour croquer dedans et goûter leur chair douce, sucrée et un peu acidulée.

Impossible de le savoir, se dit Markus en s’éveillant dans la pénombre de la grotte. À travers ses yeux mi-clos, Markus écoute plus qu’il ne voit la silhouette des siens rentrer dans l’abri les uns après les autres. Les silhouettes sont maigres, efflanquées, des os, des tendons et des muscles. Les peaux sont sombres, tannées par l’astre du jour, corps squelettiques, couverts des oripeaux d’un autre temps, depuis longtemps haillons. Ils ne protègent plus guère du soleil. Les rayons pénètrent à travers les fibres des tissus élimés. Brûlent la peau.

C’est l’habituelle cohue. Ils ont travaillé jusqu’à l’extrême limite.

Dehors quelqu’un crie aux retardataires de se dépêcher.

Markus sent le remugle de transpiration et de crasse envahir ses narines. Il s’y est fait, l’odeur des autres et la sienne, d’insupportable est devenue rassurante, le signe du regroupement, de la cohésion, de la famille au sens large. Quelque chose évoquant la sécurité et la chaleur du groupe. Quelqu’un s’approche de lui.

— Papy, tu veux de l’eau ?De l’eau ?
Bien sûr qu’il en veut, comme tout le monde.
On pose dans sa main une tasse. Il la connaît. Sa tasse, un mug en fer blanc, celui qu’il utilise depuis… il ne sait plus très bien 10, 15, 20 ans ? Depuis la nuit des temps, lui semble-t-il.

La même main qui lui a donné le mug entoure la sienne, l’aide à approcher la tasse de ses lèvres.
— Doucement.

L’eau est tiède, son goût saumâtre. Plutôt moins que d’autres jours. Il boit. Lentement, avec précaution. Ne pas gaspiller. Il sait ce qu’il en coûte d’avoir de l’eau. La longue descente vers la rivière. Après tout ce temps, il se demande à quoi elle ressemble. En tout cas pas à celle qu’il a connue quand il est arrivé dans la région. L’eau chantante et abondante a dû se réduire à un filet d’eau. Il sait la peine à la remonter dans les vieux bidons, puis à la filtrer. Il a longtemps participé à cette tâche. Maintenant plus. Son corps usé ne le supporterait plus.

Tandis qu’on s’agite autour de lui dans la pénombre, il se revoit soudain jeune, nager dans les eaux de la rivière, puis, rafraichi grimper avec quelques amis dans la vieille guimbarde de son père, ce dernier derrière le volant, souriant, heureux autant qu’il savait l’être.

En ce temps-là, tout était si facile. Tu avais soif, tu tournais un robinet et l’eau potable coulait, coulait, coulait à flots. Presque autant que tu en voulais et comme par magie.

La dernière fois que Markus est descendu, la rivière avait déjà beaucoup changé. Au fond de la gorge, son débit avait diminué au moins de moitié. Et les arbres ! Les arbres qui s’agrippaient aux parois de la gorge, qui couvraient d’une verdure presque impénétrable le raide flanc du vallon avaient disparu. Entre la chaleur et les sécheresses, ils étaient morts, attaqués par des parasites, sans compter l’incendie, le grand incendie, qui les avait tous consumés. L’impression d’évoluer dans un paysage lunaire l’avait saisi. Ou sur une autre planète, nue, désertique, le morceau d’une Mars gris cendre tombé sur Terre. Plus d’arbres, plus d’ombre. De la roche nue accumulant la chaleur du jour l’été. Une fournaise. Il en avait pleuré.

Avant qu’ils ne disparaissent avec tout le reste, songe-t-il, les services météo permettaient d’anticiper les événements les plus dangereux. Aujourd’hui, on ne disposait même plus d’une information précise des températures. Les thermomètres à piles ne fonctionnaient plus et les autres avaient tous été cassés. Quant aux cataclysmes, vous avez beau scruter le ciel, humer l’air, prier, on ne peut plus les prévoir à l’avance, ou alors seulement de quelques heures.

Les jours d’été, se dit-il, les températures devait frôler les 50° sous abri. La corvée de l’eau était devenue plus pénible. Après avoir rempli les bidons, pas de voiture, guimbarde ou non, électrique ou non, pour la ramener jusqu’au hameau. Les préposés à l’eau, bidons accrochés à des bâtons portés sur les épaules, remontaient les trois kilomètres à pieds nus, sur le sentier de terre cuite, de pierres et de poussière, avec ici et là quelques cactus malingres et les chardons.

Dès le printemps, une tâche à effectuer dès l’aube. Après, la chaleur rendait la mission dangereuse, possiblement mortelle.

Les rares fois où Markus sort, il ne s’habitue pas au paysage offert à ses yeux. Un paysage jaune de savanes semi-désertiques, écrasé par une chaleur infernale, un environnement de collines autrefois verdoyant, maintenant surchauffé et dangereux. À la fin du printemps, dès le milieu de la matinée, se consacrer à un travail exigeant des efforts comportait des risques. À partir de midi, la chaleur se transformait en tueuse impitoyable.

Dans l’ombre de la caverne, Markus boit encore quelques gorgées d’eau. Oui, dehors la chaleur est terrible. Mais lui, il ne s’aventure plus guère à l’extérieur durant la saison brûlante. Désormais vieux, très vieux et affaibli, à sortir la journée son organisme ne résisterait pas. Il n’en doute pas, il mourrait aussitôt. Il songe qu’il ne devrait de toute façon même plus être vivant. Il fait preuve d’une longévité et d’une résistance étonnantes. Et inutiles. D’ailleurs, après le grand incendie, il avait voulu renoncer. L’instinct de survie l’avait néanmoins emporté. Il sourit. N’avait-il pas lu ou entendu — il ne sait plus trop bien — que le cerveau humain avait avant tout développé la capacité et la volonté de survie, héritage de temps lointains depuis quelques décennies à nouveau d’actualité. Productivité, performance, rendement ne signifiait rien. Seule la capacité à survivre comptait.

Markus avait renoncé à se tuer à cause de ça. Tenter, essayer, s’acharner à survivre en dépit des conditions. Même maintenant qu’il ne sert plus à rien, qu’il est devenu un poids mort pour les autres, il ne meurt pas. À part quelques menues tâches, nettoyer à la brosse des légumes racines, un peu de couture, il passe l’essentiel de son temps dans ses souvenirs, ceux remontant jusqu’à l’événement, ou plutôt la chaîne d’événements ayant conduit à la tragédie. Dans l’obscurité de l’abri souterrain, là où les températures restent supportables, assis ou allongé, il se promène dans le monde d’avant. Il s’y réfugie, projetant ses images du passé sur la paroi en face de lui ou au plafond. Une fois les autres de retour, il cesse. Il sort de ses songes, s’arrache au souvenir des douceurs passées et revient dans le présent.

Quand toute la famille est à l’intérieur, il entend l’ordre habituel de sceller l’entrée.

Ce qui s’exécute toujours avec diligence. La pénombre s’accentue. Partout, les silhouettes des siens l’entourent, qui s’accroupit, qui s’adosse aux parois de l’abri, qui souffle, qui boit, qui récupère. Le reste de la journée est consacrée au repos, un repos bien mérité. Une fois installé sur les nattes, on dort jusqu’au soir. La meilleure façon d’attendre que la chaleur extérieure redevienne supportable pour un organisme humain en action.

La vie de Markus approche de son terme. Cet été-là est le dernier. Il le sait. Il ne s’accroche plus à son filet de vie par instinct. Il s’accroche encore pour une seule raison : il ne désire pas mourir dans la fournaise de ce qui, avant, se nommait la belle saison. Il attend l’automne, si possible l’hiver, quand les températures retombent enfin, quand elles ne menacent plus les organismes. Se protéger du chaud s’était révélé plus difficile que de se protéger du froid, le froid relatif de l’hiver.

L’été, se dit-il, on mène une vie de troglodytes, au fond de la caverne aménagée. Sous terre règne une relative fraîcheur. Les organismes en ont un besoin vital pour récupérer, pour ne pas s’épuiser.

Vers la fin de l’automne ou au tout début de l’hiver, on réintègre la maison. L’été, il faudrait être fou. L’été, c’est tout simplement impossible et dangereux. Sans l’abri, une petite caverne naturelle, agrandie à coups de pioches et des quelques explosifs qu’il s’était procurés sous le manteau avant la débâcle, la maigre communauté qu’ils forment n’aurait pas survécu. Lorsque Markus avait entrepris les travaux d’aménagement de la grotte, ses voisins, ses amis, ses connaissances s’étaient moqués de lui.

— Tu veux vivre dans une caverne ?

— Non, non, juste au cas où ?

— Au cas où quoi ? Rigolait-on.

Il ne répondait pas à la question. S’il devait leur expliquer les raisons et les craintes qui le poussaient à aménager au mieux un abri souterrain, ils n’auraient pas compris ou n’auraient pas accepté ses réponses. Markus ne regrettait pas d’avoir pris cette initiative.

La plupart des moqueurs sont morts. Des milliards sont morts. Ses voisins sont morts, mais quelques-uns de leurs descendants vivent encore et profitent de l’abri.

— Ça va, papy ?

Markus reconnaît dans l’ombre Sadana, une de ses petites filles. Elle approche les 15 ans, croit-il.

— Oui. Merci, Sadana.

— Tu veux t’allonger ?

Il fait non de la tête. Il est fatigué, mais pas de cette sorte de fatigue qui vous donne envie de vous allonger, de fermer les yeux et de sombrer dans le sommeil.

Juste la fatigue d’une vie trop longue. La jeune femme s’assied à côté de lui, lui prend la main. En trois générations, la régression avait été… il cherche le mot, le remuant entre ses vieilles lèvres fines et sa bouche édentée… avait été fulgurante. Et tout avait changé, tout avait été bouleversé.

Les enfants n’écrivent plus, ne lisent plus, n’étudient plus la géographie ou l’histoire ou les mathématiques ou la littérature. À quoi bon ? Ces connaissances ne servent à rien dans leur lutte quotidienne pour la vie.

Par contre, les enfants savent chasser, pour l’essentiel le rat, le lièvre, les mulots, les petits mammifères, tout ce qui se mange et qui avait survécu. Les enfants savent gratter la terre, y chercher des racines comestibles, ils savent cultiver la terre, les quelques variétés de légumes ayant pu s’adapter aux nouvelles conditions. Elles ne sont pas nombreuses. Quant aux céréales, il ne reste que le sorgho et encore, seulement les années les moins torrides.

En matière de culture et de récoltes, rien n’était assuré. Rien ! Chaleur, sécheresses ou violents orages ou tempêtes ou plutôt selon la nature du mix de ces fléaux, tous les efforts de productions alimentaires peuvent être réduits à néant. Les mégas orages et les tempêtes restent le plus impressionnants. Les premiers déchaînent une violence invraisemblable et déversent en quelques heures l’équivalent d’un déluge. Les tempêtes, elles, soufflent des vents d’une puissance invraisemblable, mais n’arrachent plus grand-chose. Ce qui devait l’être l’avait déjà été depuis longtemps. Dans ces cas-là, mieux vaut ne pas être surpris dehors. La mort y fixe rendez-vous plus qu’à son tour.

Dans l’abri, le calme revient. Les premiers ronflements montent, ceux des corps épuisés de lutter jour après jour pour la survie. Il ne leur reste plus que ça, songe-t-il, la survie. Et il n’aura fallu que trois générations pour en arriver à ce point. Si les yeux de Markus aussi secs qu’âgés pouvaient encore pleurer, il se serait retenu. Moins important de pleurer que de gaspiller une goutte de l’eau de son corps. L’envie n’a pourtant pas disparu. Pleurer sur ce qui avait été perdu. Mais dans la caverne, il est le dernier à se souvenir de la vie d’avant. Les autres ne l’ont jamais connue. Il lui arrive d’ailleurs de douter que l’avant n’ait jamais existé. Peut-être que ce qu’il prend comme des souvenirs n’est que le fruit de son imaginaire.

Sur sa maigre épaule, sa petite-fille s’est endormie. Son ventre gonflé d’une vie nouvelle forme une bosse sous sa tunique. Markus pose la main dessus. Elle va bientôt accoucher.

La caverne est encombrée de corps éparpillés à même le sol de terre. Dessous, la roche toute proche diffuse une vague fraîcheur. Ce qui s’assimile à de la fraîcheur. Il revoit comment ils avaient doublé le mur d’entrée de la grotte pour empêcher la chaleur d’y pénétrer. On avait entassé des masses de rochers sur une épaisseur de trois mètres. Puis, on avait attendu un orage ou la pluie. On avait alors collecté la terre, on l’avait charriée dans des caisses, dans des brouettes (avant qu’elles ne se cassent et deviennent inutilisables parce qu’irréparables. Ça avait été une grande perte ! Une de plus !). Mélangée à un peu d’herbe sèche, de racines à moitié calcinées, on avait fait couler la terre molle et argileuse dans les interstices des pierres empilées. Selon son estimation, la température à l’intérieur de la grotte ne grimpe pas au-dessus des 30°.

Les étroits conduits d’aération assurent un renouvellement minimal de l’air et par échange thermique, ils fonctionnent comme une sorte de climatiseur mécanique.

Mieux que rien.

Mon bien qu’un peu plus !

La vie de Markus, selon ses calculs, approche le siècle. Trop longue vie. En dépit de ses préparatifs dignes du survivalisme, il ne s’estime pas disposer d’un don particulier pour la survie. Il a eu de la chance, comme les autres survivants. C’est tout. Un organisme résistant, des gènes propices à atteindre un âge canonique dans un temps de misère, de privations, de dangers, de maladies. Dans un temps où la fragilité de la vie vous est rappelée tous les jours, la chance et le hasard sont vos seuls alliés.

Dans ce monde-là, sans machines, sans énergies autres que la force animale et le feu, dans ce monde-là, la mort l’emporte plus qu’à son tour sur la vie.

Dans le ronronnement des ronflements, dans le remugle des corps, dans la quasi-obscurité, Markus somnole, laisse sa pensée vagabonder, cherche à épuiser la colère qui l’habite encore. La technologie ! On avait parié dessus. Elle n’avait rien sauvé. Au contraire, elle avait empiré les choses. Elle les avait condamnés.

Les promesses de la technologie n’avaient pas été tenues. La technologie, à l’inverse des chantres qui en avaient chanté les louanges urbi et orbi n’avait pas débouché sur les lendemains qui chantent. La technologie et les machines n’avaient rien résolu. Elles avaient vidé la corne d’abondance qu’avait une fois été la Terre. La technologie et les machines avaient produit le résultat opposé qu’on attendait d’elles. Elles n’avaient pas renvoyé les humains au 18e siècle, pas même au moyen-âge ou au début de l’agriculture. Technologie et machines avaient provoqué l’holocauste et renvoyé les rares survivants à l’âge des cavernes. Un sacré progrès ! L’ultime innovation, la grande et dernière disruption.

Markus calme sa respiration. Remuer ses colères et ses regrets ne sert à rien. Ce qui avait été fait était fait. On en connaissait désormais le résultat : une vie de survie.

Il sent qu’on le secoue. Il entrouvre ses yeux, se disant qu’il s’est lui aussi assoupi.

Un homme a posé sa main maigre sur son épaule décharnée.

— Hé, papy, tu veux sortir un peu.

Markus réfléchit un instant. Oui, il a envie de sortir. Même encore bouillant, il aspire à un air moins confiné que celui de la caverne. Dehors, il verrait d’autres ombres…

L’homme, un certain Norman, l’aide à se relever et le soutient. À l’exception d’une lampe à huile, l’obscurité règne dans la caverne. À tâtons, ils empruntent le passage vers l’extérieur, l’air libre, la nuit et les étoiles du ciel.

Il est cueilli par une bouffée de chaleur. L’air ne brûle plus. Il est juste chaud. Très chaud. Peut-être 35°. Plus chaud qu’à l’intérieur.

Le terrain plat devant la caverne se parsème de silhouettes accroupies et discutant. Autour du foyer de pierres, on cuisine sur le maigre feu de broussailles.

— Viens.

Norman conduit Markus jusqu’à son siège, un fauteuil en rocher sur lequel une âme charitable a posé un vieux morceau de couverture.

— Merci !

Markus se souvient sans difficulté des événements les plus anciens. Pour le temps présent, il réalise que son esprit devient souvent confus, sa mémoire incertaine.

— Tu… tu es bien Norman ? demanda-t-il.

— Oui. Je vais t’apporter à manger.

— Où est ma petite-fille, elle a dormi à côté de moi et n’était plus là quand je me suis réveillé.

Norman serre les lèvres, secoue la tête, répète ce qu’il va lui amener à manger. fit-il avant de s’éloigner.

Sa gamelle en fer dans les mains, Markus renifle.

— Bouilli de larves et racines de chiendent, annonce Norman.

De sa vieille main, Markus saisit la cuillère et mange en silence le seul repas du jour. Il mâche du mieux qu’il peut avec les trois molaires qui lui restent, par bonheur du même côté. Juste de quoi ne pas avoir besoin de n’ingurgiter que de la bouillie. Il mange lentement, broie les larves et les dures racines.

Il pense à sa petite-fille. Il pense à la vie à venir, puis tout à sa tâche de se nourrir, il regarde devant lui.

Au loin, avant, au-delà de la ligne des volcans, à cette heure de la nuit, brillait le halo lumineux d’une ville. Son nom lui échappe. Sans importance, l’absence du halo ne signifie qu’une seule chose, la ville a cessé d’exister. Peut-être restait-il des ruines. Sans aucun doute des ruines et peut-être quelques hordes d’humains à y survivre.

La famille assemblée mangeant sous la clarté d’un quart de lune ressemble sans doute à quelque scène très ancienne. À une différence près : on ne craint plus guère les bêtes sauvages. Du moins les bêtes susceptibles de s’attaquer à l’humain. Les loups, les ours, les vaches, la majorité des grands mammifères ont disparu faute de ressources. Aucune nouvelle créature menaçante ne les a encore remplacées. Pas encore. Peut-être dans mille ans, dans dix milles. Ou plus. Markus l’ignore. Même les insectes ont été décimés et ne représentent plus une menace réelle.

L’image de l’ancienne luxuriance de la Terre s’impose à son esprit, le ramène au vague espoir qu’il nourrit. Peut-être un jour, un jour très lointain, dans mille ou dix milles ou cent mille ans, peut-être la vie refleurirait-elle et foisonnerait. Pour l’instant et pour longtemps encore le règne de la grande jachère s’imposerait.

Quand la vie repartira, se demande-t-il, les humains existeront-ils encore ?

Markus en doute. Il en doute de plus en plus. L’humain se mourait. Ici et là subsistent plutôt mal que bien quelques poches. Sans doute, ne sera-ce pas suffisant. Il le regrette. Il a toujours aimé imaginer une humanité traversant les millénaires, essaimant dans le vaste univers. Jeune, et même plus tard, il avait apprécié la science-fiction. Mais de vaisseau Nostromo ou Entreprise, l’humain n’en construirait pas. L’humain était condamné à une planète, la Terre. Et cet imbécile d’humain n’avait rien trouvé de mieux que de la saccager au point de la rendre presque inhabitable !

Le repas terminé, Norman lui demande s’il souhaite participer à la procession.

— Quelle procession ?

Norman hésite. Il est gêné.

— Papy, la procession pour… pour Sadana, ta petite-fille et pour sa nouvelle-née.

Markus ferme les yeux, secoue sur son maigre cou sa tête.

— Impossible, elle a…

Il comprend. Sa petite-fille endormie sur son épaule, c’était un autre jour. Maintenant, ça lui revient. La naissance, les cris, puis la mort. Peut-être celle de trop.

— Non, répond-il, je vais rester ici. J’entendrai les chants !

— D’accord.

Norman s’éloigne. La famille se réunit, se met en route, s’allonge en un modeste cortège et, en procession, elle prend la direction du cimetière.

Cette nuit, on enterre Sadana, sa petite-fille et son enfant mort-né. Ça arrive souvent. Trop souvent. Markus laisse le cortège de la tribu, quel autre nom donner à cette trentaine d’individus survivants dans la fournaise en quoi l’homme avait transformé la terre.

Horde, éventuellement.

Certainement pas société.

Peut-être, peuple dernier ! se murmure Markus avec une ironie pleine de tristesse. Une infinie tristesse.

Au loin s’élève alors la mélopée, la longue plainte de la cérémonie. On dépose les corps morts dans la fosse, on les saupoudre de sable, de poussière, on chante la longue mélopée sans paroles. Puis on revient, les cadavres portés dans les bras, puis on ravive le feu et on les y fait rôtir.

Un rituel nécessaire. Une source de protéine qu’on a pas le luxe de négliger, pense Markus. L’âme des morts leur appartient, pas leur chair, trop précieuse pour être gaspillée.

La troupe revient vers l’entrée de la caverne. Quelques personnes s’activent à réanimer le feu en vue de la suite de la cérémonie funèbre. Les autres partent au labeur dans le clair-obscur de la nuit. Qui à la chasse, qui à l’élevage de larves, qui dans le champ.

Quelques jours plus tard

À la disposition des étoiles, Markus estime qu’il est à peu près deux heures du matin. Quelques heures encore et ce serait le moment le plus frais de la journée. Puis l’aube arriverait, menaçante, puis le soleil jaillirait de derrière la ligne des volcans. Bientôt la chaleur écraserait tout.

À ce moment-là, Markus aura déjà regagné sa place dans la caverne. Il attendrait, remuant ses vieux souvenirs où des avions volaient, des musiques résonnaient, des livres s’ouvraient, des images dansaient sur des écrans, des voitures circulaient. Des images d’avant, des images dont il était sans doute l’un des derniers dépositaires sur toute la surface de la Terre.

Puis, les membres de la famille, de la tribu reviendraient, leur corps ascétique s’entassant dans la caverne, se préparant au repos. On lui donnerait à boire et tout recommencerait.

Et tout recommencerait. Jour après jour, pas autre chose. La survie absolue. Rien d’autre de possible. Pas d’autres horizons.

La journée de labour est terminée. La caverne bruisse des respirations des corps se reposant, Markus ferme les yeux et s’assoupit à son tour.

Il est sur la colline derrière la maison. Assis sur le banc, il regarde dans le jaune orangé de la lumière Sadana et son arrière-petite-fille grimper la pente dans sa direction. L’enfant a six ans et déborde de vie, d’énergie. Elle galope, s’arrête, redescend, saute, tourne autour de sa mère qui rit. Markus les observe s’approcher, un sourire à la bouche. Il a une surprise. Il est allé au verger plus haut. C’est la fin d’après-midi et comme souvent, en redescendant vers le hameau, il s’est assis sur le banc, sous le vieux châtaignier. Dans la poche de sa vareuse, les premières pommes de la saison qu’il a cueillies forment une bosse. À les regarder monter, la durée d’un instant, il a l’impression qu’elles n’avancent plus ou qu’elles avancent tout en s’éloignant.

Un effet de son imagination. Il ne peut en être autrement.

Il glisse alors la main dans la poche, tâte les fruits, choisit à l’aveugle celui qui lui semble le plus prometteur, le plus goûteux, puis il attend. Peut-être les fruits seront-ils encore un peu acides. Peu importe. Tout comme lui, son arrière-petite-fille adore les pommes…

*****

Tout ce qui nous est précieux a vu le jour sous un climat stable. Si on le déstabilise, les fondements de la société qui dépendent d’un climat stable vont se fissurer. Ça a même déjà commencé. Est-ce qu’il est trop tard, c’est la grande question.La vie sur terre se maintiendra, mais l’humanité, j’en doute.
Camille Parmesan, biologiste et membre du GIEC

mercredi 20 mars 2024 • Épars

BLEU ACIER

99-Bleu acier

Les êtres humains sont irréconciliables. En dépit de l’affirmation de la plupart, rares sont celles et ceux préférant avec sincérité la paix à la guerre.

Et ces quelques êtres humains d’exception, hélas, ne font que confirmer la règle commune.

Faire la paix avec ses ennemis ne suffit pas à en faire des amis, des frères et des sœurs. À peine peut-être des alliés.

La paix exige trop de renoncements et de sacrifices alors que le divertissement de la guerre et des conflits offre l’illusion d’un sens et d’un but à nos vies.

La paix n’a jamais construit d’empires et jamais elle n’en construira.

Mais, a-t-on besoin d’empires ?

Restent l’amour, la maigre récompense des choses de l’esprit, le sublime sentiment du beau, la dangereuse ivresse de l’harmonie et, parfois, le reflet de cette quaternité enfermée, contrainte dans une œuvre d’art.

Encore une fois s’impose à moi l’image d’un jardin que nous nous acharnons à piétiner, à saccager, incapables de nous en contenter comme s’il était une insulte, comme s’il représentait une menace à notre génie soi-disant clairvoyant, à notre prétendue supériorité et à notre supposée formidable destinée.

La vie est un tout. En retrancher des parties comporte des risques.

En retrancher des pans entiers, un risque mortel.

Avec une étonnante ténacité, nous nous éloignons de l’ouvrage qu’aurait pu nous inspirer le jardin et, pleins d’une malsaine énergie, jour après jour nous rapprochons de nous l’enfer.

Ce matin, de noir le ciel devint rouge, puis jaune, puis bleu pâle.

À consacrer ma vie à chercher ce que pourrait être une vie bonne, ici ou là, par instants, je l’ai effleurée.

Je n’en mourrai pas moins.

Maintenant, sous le soleil, le vide du ciel est bleu acier.

lundi 18 mars 2024 • Épars

PETIT COMPTOIR À PRÉTENTION PHILOSOPHIQUE

98-PETIT COMPTOIR À PRÉTENTION PHILOSOPHIQUE

Nous pourrions vivre en paix.
Nous préférons nous faire la guerre parce qu’elle exige moins d’effort.

Nous prétendons aimer la vie.
À accumuler les décennies, j’ai acquis une certaine expérience en cette matière. Alors de cette prétention à aimer la vie, permettez-moi d’en douter.

Unis nous sommes forts.
Hélas, souvent, aussi, plus stupides.

Adolescent, je fus un tumulte de pensées.
Jeune, je crus tout savoir.
Dans la force l’âge, je m’imaginais disposer d’un certain pouvoir.
À vieillir, j’entrevois les contours de notre monumentale vanité.
Enfant, je fus heureux.
Que s’est-il donc passé ?

Les religions s’efforcent de distinguer entre ce qui serait le bien et ce qui serait le mal.
Constatons que toutes, à cette tâche a priori louable, elles finissent par échouer.

Un vers d’une chanson populaire me revient en tête :
La seule solution, c’était de mourir !

La vieillesse est amère.
Nous réalisons alors l’étendue de nos erreurs et notre impuissance à les corriger, sinon notre refus…
Ou alors, pire encore, de nos erreurs nous n’en prenons pas même conscience et avançons vers la mort chaque jour plus bouffis de la certitude d’avoir agi sinon pour le meilleur, du moins pour le mieux.
Dans ce cas, à se confronter à l’inévitable affaiblissement de nos forces à agir et à imposer ce que nous jugeons bien ou juste ou mieux, la vieillesse est encore amère.
Pour adoucir l’amertume, vieillisant, ne prétendons-nous pas alors pour nous justifier d’avoir acquis au cours de la vie une certaine expérience sinon une certaine sagesse ?

À l’absurdité de la vie, il n’existe aucun contrefeu satisfaisant.

Ici-bas, puissance phénoménale de l’inutile.

Vendredi 15 mars 2024 • Question

JE ME DEMANDE SI TOUT CELA A UNE QUELCONQUE UTILITÉ…

dimanche 10 mars 2024 • Poasie

Solastalgie I

97-Solastalgie I

Quand la laideur a remplacé la beauté,
Reste l’infini de la tristesse.

Quand aux rosiers ne viennent plus de roses,
Reste le suave souvenir de leurs senteurs.

Quand le vulgaire a retiré du monde sa poésie,
Reste le brouhaha endiablé des bouches serviles.

Quand la mort l’emporte sur l’imaginaire de la vie,
Reste la stérile errance de l’esprit aride.

Quand de nos pieds à fouler le jardin succède le désert,
Reste le crissement du sable sous la dent.

Quand prairies et forêts sont vidés de leurs animaux,
Reste à y vivre sur ses deux jambes le pire d’entre eux.

Quand la bêtise assassine le meilleur en nous,
Reste la réjouissante perspective d’une victoire éphémère.

Quand l’orbe entier aura été consommé et consumé,
Restera l’inutile terre pulvérulente d’une abondance factice.

Quand nous paierons le prix noir de nos crimes,
Restera aux survivants le trop tard amer du regret.

Quand enfin nous aurons noyé la lumière dans l’obscurité,
Quand enfin les océans s’étendront en boues empoisonnées,
Quand enfin sera achevée la décréation du monde,
Quand enfin les os des mort triompheront de la chair du vivant,
Les quelques-uns à encore respirer, pourront-ils affirmer cœur battu mais fier :
Grâce à nos mains et nos machines, tout est accompli !
Et d’en conclure ainsi :
Ceci est le bien ultime !

Alors tout aura été dit et écrit et détruit.
Alors le temps et le vent disperseront jusqu’au souvenir de ce que nous aurons été, poussières…

vendredi 16 février 2024 • Vrac

Écologie punitive ? Vous avez dit écologie punitive ?

Les contempteurs de l’écologie adorent la formule ÉCOLOGIE PUNITIVE.
Réfléchissons deux secondes.
Pendre des mesures effectives et efficaces dans le but de conserver à la terre son habilité est-ce une punition ?
Prendre des mesures effectives et efficaces dans le but d’assurer un avenir viable à nos descendants, est-ce une punition ?
Prendre des mesures pour que l’on puisse boire de l’eau et manger de la nourriture saine, est-ce…

Jeudi 8 février 2024 • Vrac

Plus de pollinisateurs, bientôt plus de plantes?

La chute des populations de pollinisateurs due aux pollutions humaines et à l’usage massif de pesticides a pour corollaire ceci : les fleurs s’adaptent.Elles développent leurs capacités d’auto-fertilisation.
Cette évolution génétique a pour conséquence que les fleurs produisent moins de nectar et des fleurs plus petites, car la dépense d’énergie nécessaire pour attirer des pollinisateurs qui ne viendront pas est inutile…

dimanche 10 mars 2024 • Fiction

Détend-toi, après tout ce n’est pas la fin du monde!

— Détends-toi, après tout ce n’est pas la fin du monde, dit oncle Ben avec un large sourire avant d’en fourner dans sa bouche un gros morceau de boeuf.
Julien serra les dents tandis que la colère assombrissait ses yeux.
Il avait hésité à venir à la fête de famille de l’année et comme chaque fin d’hiver, il s’y était rendu seul. Pierrette, sa compagne avait décliné.
— Tu sais très bien que si je viens, ça risque…

Jeudi 8 février 2024 • Vrac

Plus de pollinisateurs, bientôt plus de plantes?

La chute des populations de pollinisateurs due aux pollutions humaines et à l’usage massif de pesticides a pour corollaire ceci : les fleurs s’adaptent.Elles développent leurs capacités d’auto-fertilisation.
Cette évolution génétique a pour conséquence que les fleurs produisent moins de nectar et des fleurs plus petites, car la dépense d’énergie nécessaire pour attirer des pollinisateurs qui ne viendront pas est inutile…